Interview de l’artiste digital Josh Pierce, présenté en couverture du Rapport Artprice sur le Marché de l’Art Contemporain 2023

[30/10/2023]

L’artiste Josh PIERCE (1982) se confie à Artprice sur son travail, sa technique, sa vision des NFTs, ses inspirations et ses coups de cœur. Il nous invite ainsi à plonger dans son œuvre spectaculaire où l’être humain contemple une nature réenchantée par une mystérieuse présence lumineuse, fantastique et apaisante.

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L’oeuvre Flow de Josh Pierce en couverture du Rapport sur le Marché de l’Art Contemporain 2023 d’Artprice disponible gratuitement en français et anglais sur Artprice.com

1. Vos œuvres célèbrent une forme d’harmonie entre le monde réel et le monde digital. Croyez-vous qu’une telle symbiose existe vraiment, ou qu’elle soit possible ?

Jpierce : Oui, je crois que le monde réel et le monde numérique peuvent coexister harmonieusement. Une telle symbiose est un thème important de mon travail. Je crois que toutes les choses sont interconnectées. Lorsque nous sommes capables de l’accepter, nous pouvons créer et partager en puisant dans un espace beaucoup plus profond. Nous avons la possibilité de rendre le monde meilleur, en commençant à notre propre échelle. Pour moi, tout ce qui est créé par les êtres humains est à la fois une expression de notre expérience terrestre et une extension de nos mondes intérieurs. Je ne vois pas de différence avec le travail qui est créé à l’aide d’outils numériques. Le pinceau a été inventé à une époque, puis l’appareil photo. Aujourd’hui, nous disposons de nouveaux outils d’expression personnelle et de création artistique numérique qui ouvrent des possibilités entièrement nouvelles que nous commençons seulement à entrevoir. Même si la vie devient de plus en plus numérique, je ne crois pas que les gens voudront vivre dans une technotopie futuriste, déconnectée de la nature. Nous aurons toujours besoin d’un lien avec le vivant car nous en faisons pleinement partie. Je pense que nous resterons donc toujours en résonance avec les éléments naturels parce que nous avons besoin de ce contact étroit avec la nature, peu importe que cet art soit créé numériquement ou par un autre moyen.

2. Qu’est-ce que la technique selon vous en matière d’art digital ? Pourquoi les logiciels de création et leurs bibliothèques préprogrammées ne peuvent suffire, pas plus que les IA, à créer une œuvre d’art ?

Jpierce : La technique est quelque chose qui s’affine au fil du temps et qui relève autant de l’œil que de la main. Il y a une différence pour moi entre ce qui relève de l’art et ce qui relève de l’artisanat. Bien que ce dernier soit essentiel, il n’équivaut pas à l’art, qui concerne l’expression d’un individu et sa propre canalisation ou interprétation du divin via l’acte conscient de création. Aucune machine ne pourra jamais faire cela. Avoir accès aux plus incroyables outils pourra tout au plus augmenter le niveau technique nécessaire à la création d’une œuvre. C’est comme utiliser un pochoir, ou un procédé de sérigraphie pour Andy WARHOL (1928-1987). En fin de compte, cela n’a rien à voir avec le « comment » l’œuvre est réalisée mais avec le « pourquoi » l’œuvre est réalisée. C’est la distinction primordiale à mon sens. Les humains peuvent construire des machines pour créer des millions de copies et variantes de belles images, de la poésie et de la musique, mais sans l’intention de l’artiste le « pourquoi » manquera toujours. Ces créations manqueront d’âme. L’intelligence artificielle est un nouvel outil qui peut nous faciliter la vie, en prenant une partie du travail fastidieux. Mais encore une fois, elle ne pourra jamais remplacer la main divinement guidée de l’artiste.

3. Comment définiriez-vous l’originalité de votre production artistique par rapport à votre métier de graphiste ?

Jpierce : Comme vous l’avez sans doute remarqué, j’ai été fasciné dernièrement par l’idée d’œuvre d’art inspirée par un au-delà. Il ne s’agit pas d’un moyen d’expression se rapportant à ma vie personnelle, mais de capter la saveur particulière des signaux qui vous parviennent en tant qu’artiste. Je pense que dans tout travail enrichissant et significatif, il doit y avoir cette étincelle de créativité. En tant que graphiste travaillant en équipe, la créativité vient des concepts et de leur exécution technique plus que d’une véritable expression personnelle. Je trouve beaucoup de plaisir dans le processus créatif qui consiste à résoudre des problèmes et à donner vie à un message grâce à des outils de communication visuelle. D’un autre côté, mon travail personnel se rapporte à une inspiration d’ordre beaucoup plus abstrait, qui passe par la couleur, la composition, le ton. Ce type d’inspiration ne consiste pas à résoudre un problème mais à créer une harmonie entre l’espace, la forme, la valeur et la résonance des émotions. Je travaille de manière beaucoup plus intuitive lorsqu’il s’agit de mon travail personnel, comme on peut s’y attendre, et je crois que l’originalité émerge de cet équilibre entre l’inspiration et la technique ainsi qu’entre mon intuition et le hasard.

4. Quel rapport entretenez-vous avec l’univers des NFTs ? Vous sentez-vous lié à vos collectionneurs, aux plateformes que vous utilisez ou peut-être même à d’autres artistes ?

Jpierce : Je trouve très intéressant que le monde des NFTs soit déjà si vaste et englobe une si grande variété de projets. Cette nouvelle technologie construite sur la Blockchain est capable de beaucoup de choses et sa capacité à représenter des objets numériques uniques n’a encore montré qu’une partie de ce qu’elle permet d’explorer. En tant qu’artiste, je suis extrêmement reconnaissant que mon travail puisse désormais être collectionné par des individus et des institutions qui souhaitent voir des œuvres comme les miennes promues dans le monde de l’art. Comme cela n’était pas vraiment possible avant, une toute nouvelle vague d’artistes et de collectionneurs s’est soudain retrouvée au croisement du marché de l’art traditionnel. C’est une période très excitante. La plupart des personnes qui ont collectionné mes œuvres jusqu’à présent étaient de petites entités ou des particuliers, qui ont presque toujours acheté pour de bonnes raisons. Autrement dit, ils se connectent profondément au message de mes œuvres et ont une réaction émotionnelle à mon travail. Pour cette raison, je me sens moi aussi très connecté. Les plateformes ont également été incroyablement utiles. Même si elles évoluent et changent au fil du temps, je me sens très proche des personnes avec lesquelles j’entretiens des relations, et qui peuvent ou non rester en lien avec les différentes plateformes. Je suis très reconnaissant d’avoir pu nouer des amitiés merveilleuses au sein de la communauté d’artistes et de passionnés de technologie qui forme l’épine dorsale du monde NFT et qui se prépare à la prochaine rencontre avec le grand public.

5. Êtes-vous satisfait du fonctionnement actuel de l’écosystème Web3/NFT ou bien ressentez-vous un manque ? Souhaiteriez-vous par exemple être accompagné par une galerie ou voir vos œuvres être exposées physiquement dans un musée ?

Jpierce : Je suis impatient que mon travail soit exposé dans une galerie ou un musée et je peux dire avec beaucoup d’enthousiasme que le moment n’a jamais été aussi proche ! Les artistes numériques rencontrent des difficultés particulières pour exposer leurs œuvres et recourent en général à des écrans ou à des projecteurs LED. Personnellement, je préfère la possibilité d’impressions physiques et l’utilisation des systèmes de réalité augmentée pour leur donner vie. Je pense que cela marie plus intimement le monde physique et numérique que les écrans mobiles que je trouve toujours un peu aliénants. Une telle solution ancre par ailleurs le travail dans l’espace matériel et garantit, dans une certaine mesure, l’absence de problèmes techniques, qui ne se produisent alors que sur l’appareil de l’utilisateur et n’affectent pas l’expérience globale dans la galerie. En termes de représentation, je pense que ce n’est qu’une question de temps avant que la transition vers l’art numérique ne devienne plus courante. J’espère qu’à mesure que la valeur d’un travail comme le mien gagnera en reconnaissance, la scène artistique commencera à adopter les artistes numériques et ceux-ci auront enfin leur place dans des lieux d’exposition plus traditionnels.

image2 - Pristine 2021 on Artprice

Résultat d’adjudication de l’oeuvre Pristine (2021) de Josh Pierce sur le site www.artprice.com

6. Deux de vos créations NFT ont déjà été vendues par la maison Sotheby’s. Quel effet cela vous fait-il de voir le Marché de l’Art traditionnel s’intéresser à votre travail et à celui d’autres artistes digitaux ?

Jpierce : Il y a certainement beaucoup d’honneur à voir mon travail exposé et vendu aux enchères chez Sotheby’s – et spécialement d’avoir pu aller en personne en France en mars 2023 et voir mon œuvre [Healing (2023)] dans leur Maison de Ventes. Voir mon travail là-bas m’a rendu très fier de moi-même, du dévouement que j’ai consacré à ma pratique au fil des années. Bien sûr, quel que soit le résultat, j’ai créé et je créerai toujours pour le plaisir de partager ce que je crois être une expression importante du lien entre l’être humain et la nature ainsi que l’évolution de la conscience humaine. Pour cette raison, toute vente ou exposition de grande envergure ne fait qu’attirer plus d’attention sur ce que j’estime devoir dire. Je pense que cela s’applique aux artistes numériques en général. Nous voyons une toute nouvelle génération d’esprits créatifs pénétrer la psyché collective et soumettre leurs découvertes à l’examen général. À terme, le Marché de l’Art traditionnel devra s’y habituer, comme chaque mouvement d’avant-garde qui a permis de repousser les limites de son médium, de son sujet, de dépasser les tabous et d’agrandir le concept d’art lui-même. Avec du recul, on se rendra compte que la question de reconnaissance par les critiques était jouée d’avance. Il est inévitable que les artistes numériques soient considérés au même niveau que ceux qui travaillent sur des médias depuis longtemps respectés.

7. On peut entrevoir dans votre œuvre un romantisme proche du Voyageur de Caspar David Friedrich, ou bien imaginer une connexion avec les installations d’Andy Goldsworthy. Des artistes ou des œuvres vous inspirent-ils particulièrement ?

Jpierce : J’apprécie ces comparaisons ! J’ai commencé à me considérer comme un artiste spirituel, dans la mesure où ce que je crée vient et tente de transmettre un lien avec une dimension spirituelle. D’une certaine manière, nous pourrions plus simplement considérer cela comme relevant de la magie. Il existe une profonde magie dans le monde. On ne peut pas vraiment en parler, la mesurer ou la capturer avec des concepts et des mots. J’utilise donc l’art pour transmettre une émotion qui est généralement ressentie puis oubliée, rejetée ou jugée non pertinente. En ce qui concerne l’inspiration, j’ai toujours été attiré par la nature ainsi que par la peinture et la photographie de paysages classiques. Il est certain que Goldsworthy et Friedrich sont de puissantes inspirations pour mon travail. J’ai grandi en m’émerveillant devant le travail de paysage fantastique de Roger DEAN (1944), l’art visionnaire et psychédélique d’Alex GREY (1953). Je suis en même temps inspiré par le travail sur néons de Dan FLAVIN (1933-1996) ainsi que par celui de CAI Guoqiang (1957) sur les formations nuageuses. J’apprécie énormément aussi de nombreux artistes travaillant sur le paysage, notamment Richard SERRA (1939) et Robert SMITHSON (1938-1973).

image3 - Josh Pierce vs C D Friedrich

Emanate (2022) de Josh Pierce et Le voyageur contemplant une mer de nuages (1818) de Caspar David Friedrich

8. Il y a-t-il des artistes digitaux que vous invitez à découvrir absolument pour nos lecteurs ?

Jpierce : Il y a tellement d’artistes dont j’aimerais parler, en particulier des amis et ceux qui, selon moi, repoussent les limites. Je crois que Patrick AMADON (XX-XXI) est devenu un véritable leader dans le monde du glitch et de la défense de la liberté d’expression. Postwook aussi, dont le travail de collage nous transporte vers des souvenirs oniriques extrêmement riches en émotions. Sam SPRATT (XX-XXI) est une star hors du commun, qui peint numériquement et remet en question nos relations avec notre nature émotionnelle animale brute. Je pourrais en citer bien d’autres mais ce ne sont là que quelques-uns pour lesquels j’aimerais voir une reconnaissance beaucoup plus grande, dans tous les domaines du monde de l’art.

9. Enfin, quelle est la meilleure façon de voir vos œuvres et de rester informé de vos prochaines créations ?

Jpierce : Je poste très régulièrement sur Instagram @jpierce et fais la plupart de mes annonces sur X (anciennement twitter) @jpierce_art. Toute annonce majeure sera aussi faite sur mon site web joshpierce.net où vous trouverez des images de mon travail et la possibilité de vous inscrire à une newsletter pour rester informé des sorties à venir ! Merci encore beaucoup pour l’opportunité de parler de mon travail et de partager mes réflexions avec le monde.

 

Liens

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