Art Contemporain, au-delà de l’Europe et des États-Unis

(Art Contemporain : artistes nés après 1945)

Jeff KOONS, KAWS, BANKSY et Maurizio CATTELAN ont fait couler beaucoup plus d’encre cette année et ont nourri bien plus de comptes Instagram que Claude Monet ou Gustave Caillebotte. Les trois premiers ont enregistré des records stupéfiants aux enchères, tandis que le quatrième a fait sensation à Art Basel Miami Beach avec des bananes scotchées au mur, vendues 120.000$ pièce. Plus que jamais le Marché de l’Art Contemporain est une affaire de mise en scène et d’audace.

Les “classiques” contemporains

Depuis vingt ans déjà, Jean-Michel BASQUIAT se classe parmi les 50 artistes les plus performants du Marché de l’Art, toutes périodes de création confondues. En mai 2017, une enchère à 110,5m$ l’avait mis en orbite par rapport à tous ses contemporains. Mais depuis ce record, ses grandes toiles se font plus rares, son produit de ventes a perdu -40% et plusieurs artistes ont commencé à réduire l’écart. Ce ne sont pourtant pas ceux qui flamboyaient il y a quelques années. La cote de Damien Hirst, Richard Prince, Zhang Xiaogang ou Zeng Fanzhi se maintient, mais leurs oeuvres ne circulent plus avec autant d’intensité.

En mai 2019, Jeff Koons est redevenu l’artiste vivant le plus cher du monde, avec la vente de Rabbit (1986). Mais sa performance annuelle repose presque entièrement sur le résultat de cette seule sculpture qui pèse 82% de son chiffre d’affaires. Peter DOIG a lui été invisible en salles de ventes, tout comme le peintre chinois CHEN Yifei. Les performances de ces “classiques” de l’Art Contemporain fluctuent d’une année à l’autre en fonction des belles pièces mises en vente. La demande reste forte cependant quand elles réapparaissent.

Parmi les sept oeuvres de Damien HIRST estimées plus d’1m$ en 2019, six ont trouvé acquéreur. The Stygian Shore (2007) a été vendue 2,7m$ en novembre à New York et deux animaux plongés dans le formol issus de la collection de George Michael ont récolté 2,3m$, six mois plus tôt à Londres. La sculpture Unknown Pharaoh (2015), présentée en 2017 à Venise, lors de l’exposition controversée Treasures from the Wreck of the Unbelievable, a été achetée 735.000$. Juste en dessous des estimations.

Produit de ventes annuel des quatre artistes contemporains les plus performants en 2019

Produit de ventes annuel des quatre artistes contemporains les plus performants en 2019

Soudain incontournables

La circulation d’un grand nombre de dessins, d’estampes et de multiples favorise le marché d’artistes prolifiques comme Kaws et Yoshitomo NARA: plus de 800 adjudications par an pour le premier, plus de 400 pour le second, tandis que Jean-Michel Basquiat n’en compte que 64 cette année.

Cette intensité permet d’alimenter un marché international. Car en 2019, 21% des oeuvres de KAWS sont adjugées à Hong Kong, 18% au Japon, 15% en France, 14% à Taïwan, 7% au Royaume-Uni. New York, où vit et travaille Kaws, domine toujours le marché de ses grandes sculptures et représente 29% de son chiffre d’affaires, pour 10% des lots vendus. Mais Hong Kong est devenue la première plaque tournante pour ses peintures, et elle concentre 51% du produit de ses ventes.

Cette expansion géographique pousse les prix vers le haut. L’enchère maximale enregistrée pour une oeuvre de Kaws suit une croissance exponentielle :

  • 426.000$ à Londres en 2014
  • 490.000$ à Hong Kong en 2017
  • 3,5m$ à New York en 2018
  • 14,8m$ à Hong Kong en 2019

De même, le prix record pour une oeuvre du Japonais Yoshitomo Nara, qui datait de 2015 avec la vente à 3,4m$ de The Little Star Dweller (2006), a été dépassé à huit reprises cette année, dont sept fois à Hong Kong. Il est à présent l’artiste japonais le plus cher de tous les temps avec Knife Behind Back  (2000), vendue 25m$.

Midnight Vampire (2010) révèle par ailleurs que le prix de ses grandes toiles a doublé au cours des deux dernières années :

  • 2,2m$ – 25 novembre 2017 – Christie’s Hong Kong
  • 4,7m$ – 7 octobre 2019 – China Guardian Hong Kong

 

Yoshitomo Nara - Midnight Vampire (午夜吸血鬼)

Yoshitomo NaraMidnight Vampire (2010)
4,7m$ – 7 octobre 2019 – China Guardian Hong Kong

L’artiste chinois LIU Ye (1964), l’Allemand Albert OEHLEN (1954), l’Américain Jonas WOOD (1977) ou encore l’Ethiopienne Julie MEHRETU (1970) se distinguent cette année avec quatre des plus belles progressions. Un coup de marteau record pour chacun d’entre eux leur permet de grimper un peu plus encore dans notre Top 500.

Rien de neuf sous les tropiques

De manière générale, l’année 2019 a confirmé les tendances qui s’étaient profilées en 2018.

C’est le cas du street art qui continue de s’imposer en salles de ventes. Kaws et Banksy donnent à ce mouvement ses propres stars, mais ils sont de plus en plus nombreux, les artistes venus de la rue, à la tête d’un marché robuste. Le Français INVADER, le Britannique STIK, l’Américain Shepard FAIREY ou encore le jeune Portugais VHILS font partie de ceux qui améliorent encore leur chiffre d’affaires.

La place des artistes afro-américains et d’origine africaine continue également de se consolider. Le record à 21m$ tombé soudainement en mai 2018 pour Kerry James MARSHALL a été confirmé en 2019 par la vente à 18,5m$ de Vignette 19 (2014), une toile deux fois plus petite et beaucoup plus récente que Past Times (1997). Kerry James Marshall se classe 55ème dans le classement 2019, devant Mark BRADFORD (69ème) et Barkley L. HENDRICKS (399ème).

Avec sa petite session intitulée HI-LITE, le 23 novembre 2019 à Hong Kong, Christie’s montre le besoin de mettre un nom sur un mouvement qui anime le Marché de l’Art. Placé sous l’égide de Takashi Murakami, cette petite sélection curatée a rassemblé des oeuvres qui partagent “des formes aplaties, des couleurs vives et des lignes épurées, qui font référence à des images issues des médias populaires, ainsi qu’à la mode, la musique, le graffiti et l’animation”.

Les performances de Nicolas PARTY et de Harold ANCART attestent de l’intérêt croissant des collectionneurs pour cette peinture haute en couleurs. Né en Suisse, Nicolas Party a été formé à Glasgow avant de s’installer à Bruxelles. Harold Ancart a lui grandi et étudié dans la capitale belge mais s’est ensuite laissé attirer par New York. Ils sont les plus performants de leur génération sur le second marché. Révélés par Xavier Hufkens, ils ont rejoint de prestigieuses galeries : Hauser & Wirth pour le premier, Clearing et David Zwirner pour le second.

Un vent d’air frais

La génération des artistes de moins de 40 ans s’ouvre à la diversité. Non seulement la parité est enfin presque atteinte dans le top 20, avec onze hommes pour neuf femmes, mais ces artistes représentent aussi bien l’Europe et l’Amérique du Nord, que l’Amérique latine, l’Asie et l’Afrique.

Top 20 artistes nés après 1980 par produit de ventes en 2019

Artiste Produit de ventes ($) Lots vendus Meilleur résultat ($)
1 Nicolas PARTY (1980) 5.087.300 32 1.120.200
2 Harold ANCART (1980) 4.824.700 23 658.200 *
3 Ayako ROKKAKU (1982) 4.154.300 80 188.700
4 Tschabalala SELF (1990) 2.871.800 12 487.400 *
5 HAO Liang (1983) 2.507.100 3 1.933.100 *
6 Oscar MURILLO (1986) 1.938.000 16 364.900 *
7 Shara HUGHES (1981) 1.915.200 17 337.500
8 Loie HOLLOWELL (1983) 1.791.300 10 443.000 *
9 MI Qiaoming (1986) 1.773.500 1 1.773.500 *
10 Julie CURTISS (1982) 1.530.000 9 423.000 *
11 Michael ARMITAGE (1984) 1.520.000 1 1.520.000 *
12 Toyin Ojih ODUTOLA (1985) 1.255.500 8 597.900 *
13 Jordan CASTEEL (1989) 956.300 3 393.800 *
14 Alex ISRAEL (1982) 954.900 5 598.800 *
15 Nina CHANEL ABNEY (1982) 829.500 9 285.300
16 Daniel ARSHAM (1980) 752.000 69 295.500 *
17 ABOUDIA (1983) 713.400 30 78.700 *
18 Rodel TAPAYA-GARCIA (1980) 665.500 15 380.800 *
19 CHEN Cai (1985) 632.700 4 316.500 *
20 Adam PENDLETON (1984) 610.300 7 262.900
© Artprice.com © AMMA
*Nouveau record

Certains sortent de prestigieuses écoles, comme Tschabalala SELF formée à Yale, d’autres, tel Aboudia DIARRASSOUBA, sont de parfaits autodidactes. La Japonaise Ayako ROKKAKU n’a pas encore rejoint une grande écurie, alors que le peintre chinois HAO Liang a lui déjà séduit Larry Gagosian. Les oeuvres de Shara HUGHES ne passent plus que chez Sotheby’s, Christie’s, Phillips ou Bonhams, tandis que celles de Rodel TAPAYA-GARCIA s’échangent encore dans les salles de ventes des Philippines.

C’est enfin la partie du Marché qui contient les plus grandes surprises : la première toile vendue aux enchères du jeune peintre d’origine kenyane Michael Armitage, The Conservationists (2015), estimée entre 50.000$ et 70.000$, a finalement été cédée pour 1.520.000$ chez Sotheby’s, le 15 novembre 2019 à New York. Les prochaines ventes devront confirmer de tels résultats.

 

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